Argumentation Thomiste
Réfutons l'argumentation principale du célèbre théologien Thomas d'Aquin, lorsqu'il tente de prouver l'existence de Dieu. Voici le raisonnement qu'il tient sous forme de syllogismes :
1. Rien dans l'univers ne possède l'existence en propre, puisque les objets de l'univers auraient pu ne pas exister et qu'ils finiront par disparaître.
2. Ce qui ne possède pas l'existence en propre a donc dû se la faire conférer par un être qui possède l'existence en soi, c'est à dire un être qui existe par nature.
3. Donc tout ce qui est dans l'univers existe par un autre qui existe par soi.
4. Cet autre qui existe par soi, nous l'appelons Dieu.
Tout d'abord, outre le fait que rien ne prouve que les êtres ne pûssent jamais être autre chose que ce qu'ils sont, qu'es-ce que l'existence? La réalité supposée de l'existence ne se trouve que dans la perception que nous avons de sa manifestation, c'est à dire qu'elle est composée de l'ensemble de ce qui est susceptible d'être perçu, que cela soit par mes sens ou à l'aide d'instruments. La définition minimale de l'existence serait donc de la voir comme l'ensemble des phénomènes perceptibles.
Cette définition minimale reste cependant la seule à mes yeux acceptable, même si on pourrait en effet, et comme l'a fait Kant, supposer qu'il existe une réalité indépendante des phénomènes. En effet, cela resterait un postulat que rien ne pourrait appuyer, et auquel, partant du principe qu'une affirmation n'a de valeur en regard de la vérité que celle des arguments qui la soutiennent, il semble impossible de croire. Nous adopterons donc cette définition minimale.
Récapitulons : l'existence serait l'ensemble des phénomènes perceptibles. Or un phénomène est un fait, et justement, tout le sophisme de Thomas d'Aquin consiste à considérer l'existence, non pas comme un fait, mais comme un attribut. En effet, il est question de "conférer l'existence" ou de "posséder l'existence en propre", ce qui signifie bien que l'existence est conçue comme une qualité qu'un objet pourrait posséder.
En réalité, un objet ne contient jamais plus que l'idée exacte de sa représentation. Prêter l'existence, ce n'est donc pas ajouter un attribut, ce n'est donc pas ajouter à l'essence de cet objet. En effet, dire que ceci ou cela existe revient simplement à dire que l'objet en question peut se penser dans le cadre d'une experience des sens, sans toutefois enrichir, ni l'idée que je me fais de cet objet, et ce bien qu'elle soit exacte, ni, par transitivité, l'essence même de l'objet. L'existence ne fait donc jamais partie de l'essence d'un objet réel, mais elle n'est rien d'autre que la condition nécéssaire pour que l'idée que je me fais de l'essence de cet objet renvoie à une certaine réalité.
Il est alors amusant de constater l'absurdité contenue dans la conclusion de la "preuve", due au fait que l'on y considère l'existence comme un attribut plutôt que comme un fait. En effet, s'il en était ainsi, j'en arriverais, à l'issue de ce raisonnement, à penser qu'il existerait quelquechose qui existerait par nature, que je nommerais Dieu ; je n'en saurais toutefois pas plus! J'ignorerais donc tout de Dieu sauf qu'il existe? L'existence n'étant pas une partie de l'essence, j'ignorerais donc tout de l'essence de Dieu, c'est à dire de l'idée que je dois m'en faire ; autrement dis, je ne saurais même pas de quoi je parle lorsque j'utiliserais le mot "Dieu". Comment donc un raisonnement, si subtil soit-il, pourrait il permettre de conclure que ce dont j'ignore tout existe?